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La fausse mort de Pays du Nord

Dernière mise à jour : 8 nov. 2020

En octobre 1994, j’ai eu la chance de pouvoir créer mon propre journal. C’était Pays du Nord, magazine de territoire consacré au nord de la France et publié par les Editions Freeway. Ce fut un grand succès inattendu. Un an plus tard, nous fêtions le premier anniversaire de cette belle revue, un anniversaire qui fut l’occasion d’un malentendu et d'une crise de fou-rire face à l'incompréhension de la presse régionale.

 

Le document (voir le doc ci-dessous) qui m’a rappelé ce souvenir a été retrouvé par mon ami Patrick Wojanczyk dans ses archives personnelles. Il s’agit de l’invitation envoyée par le Club de la presse Nord-Pas de Calais (les Hauts-de-France n’existaient pas encore) pour la conférence de presse organisée à l’occasion de la première année d’existence du Géo nordiste. Nous avions décidé de marquer le coup en conviant nos confrères journalistes autour d’une coupe de champagne le 12 octobre 1995. Au moment de rédiger l’invitation, Marie Silvioni qui était à l’époque la responsable du Club de la presse me demanda si j’avais une idée pour un titre. « Pays du Nord : un an déjà » ne m’inspirait pas beaucoup, mais je n’avais rien d’autre à proposer. Après avoir vainement réfléchi, Marie me lança en plaisantant « Pays du Nord, mort ou vif ? ». Je la pris au mot et les invitations furent envoyées aux médias avec cet intitulé.

 
 

Le jour dit, malgré l’absence de Christophe Bonicel, le patron des Editions Freeway, retenu au siège à Clermont-Ferrand, il y avait une grosse affluence dans les locaux du Club de la presse qui était alors installé au coin de la place Rihour en plein centre de Lille. Ma collaboratrice Hélène Lespinasse, qui avait décidé d’acheter un gâteau d’anniversaire, commençait à s’inquiéter. Il n’y en aurait pas assez pour tout le monde ! Là où nous espérions attirer au maximum une douzaine de personnes, une trentaine de journalistes, représentant l’ensemble de la presse régionale, télé, radios, journaux… se bousculaient dans la petite salle du club et attendaient impatiemment mon discours. C’était beaucoup plus que prévu. Je ne pensais pas que l’événement susciterait autant d’intérêt.

Je pris la parole pour retracer la genèse de Pays du Nord, son lancement dans un scepticisme général un an plus tôt, les premiers bons résultats, puis l’énorme succès du hors-série estival consacré à la Côte d’Opale, l’enthousiasme des lecteurs conquis, les annonceurs enfin convaincus… Pendant que je parlais, je voyais le visage de mes interlocuteurs se teinter de perplexité. Je conclus mon allocution en levant mon verre et en invitant tout le monde à souffler la bougie du gâteau d’anniversaire. Ce qui fut fait sous des applaudissements discrets vite étouffés par le brouhaha des conversations qui avaient repris. Quelque chose m’échappait. Qu’est-ce qui clochait ?



Hélène Hannon, la correspondante de RTL m’entraîna à l’écart et me demanda : « Vous ne deviez pas annoncer la fin de Pays du Nord ? » Surpris, je lui fis répéter sa question et éclatais de rire : « Non, pourquoi ? C’est un formidable succès. Ce serait idiot d’arrêter… » Marie Silvioni me rappela l’invitation. Mes chers confrères, qui avaient pris le titre au pied de la lettre, en avaient déduit que c’était fini et étaient venus assister aux obsèques du magazine. Un enterrement de prestige avec champagne et gâteau d’anniversaire ! Certains repartirent déçus, mais la plupart nous félicitèrent pour la réussite de ce journal auquel ils ne croyaient pas une heure plus tôt. Il y eut peu de retombées presse, mais la façon dont Pays du Nord était perçu changea radicalement à partir de ce jour. Nous n’étions plus la belle revue sur papier glacé vouée à l’échec, nous étions désormais pris au sérieux et considérés comme de vrais rivaux. La Voix du Nord réagit en lançant un supplément tourisme qui marchait sur nos plates-bandes, des concurrents apparurent, mais sans connaître de réussite. Pays du Nord a continué sa progression pendant quelques années avec plus de 22 000 exemplaires vendus en kiosques tous les deux mois, avant d’être cédé à la régie publicitaire et de connaître une lente agonie qui aboutit à sa disparition en 2014, quelques mois avant son vingtième anniversaire.

Longtemps, avec Hélène Lespinasse et Patrick Wojanczyk, nous nous sommes remémoré avec bonheur le pied de nez fait à la presse nordiste ce jour d’octobre 1995. Comme quoi, un titre ambigu peut tout changer… Vingt-cinq ans plus tard, j’en ris encore.

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